Avec tout le respect que je leur dois, je dois avouer que les phrases que j’entends à la volée en passant devant le PMU d’en bas de chez moi me fascinent au plus haut point. Entre deux “jaunes” (comme on dit chez nous), on met le dernier pourcentage de Le Pen dans le même sac que les stats du dernier match de l’OM. Au comptoir, on décrie les tactiques de Rudi Garcia, et, la puissance de l’anisette aidant, on finit par tergiverser – tout en titubant plus ou moins légèrement – sur la politique, “ces cons de politiciens”, “ces escrocs en costard cravate”, “ces pourris de L’Élysée”, “ces cons de Français” (j’en passe et des meilleures) !
En définitive, tout ce débat public, bien qu’il ne soit pas réellement constructif, ne m’a jamais choquée outre-mesure. Pourquoi ? Parce qu’au final, si on le débecte, on a juste à refermer la porte du bar PMU, à rentrer tranquillement chez soi, et à ne plus y refoutre un pied. Ou juste à esquisser un sourire quand on surprend une conversation qui nous déplaît, nous agace, en la prenant avec du recul.
Le problème, avec Internet en général et Facebook en particulier, c’est qu’on ne peut pas vraiment claquer la porte (d’autant plus lorsque Internet et les réseaux sociaux font partie de notre métier comme le mien). Difficile, comme Fillon, de se retirer quand les débats de pseudos experts en géopolitiques, nourris à la sauce BFM et qui préfèrent lire les gros titres plutôt que de les articles en entier, agitent la toile.
Et c’est là que l’on assiste, impuissants, au grand déballage. De selfies carte électorale en statut de 10 lignes, tout est propice à alimenter le débat. Et alors que le premier tour approche, les selfies, statuts de 10 lignes et autres partages d’articles en tous genres deviennent plus fréquents. Les avis se font sentir. Les extrêmistes fascistes se laissent aller. Les langues se délient. Les menaces et les insultes fusent. Les #JeSuisCharlie sont déjà très très loin.
Je me demande si, à l’époque de l’agora de la Grèce antique, les gens aussi insultaient leurs camarades lorsqu’ils ne votaient pas comme eux ? Que l’on s’exprime, évidemment que c’est crucial. Que l’on incite à la haine, que l’on menace ou que l’on fasse la morale à ceux qui ne pensent pas comme nous, non. Je regrette presque l’époque, plus récente, où dire pour qui l’on votait, c’était tabou.
N’oubliez jamais : si l’isoloir existe, c’est que l’on se moque pas mal de votre avis. C’est déjà bien d’en avoir un.
J’imagine qu’à l’époque de l’agora, les gens, en vrai et en face, discutaient au lieu de s’insulter, de se faire la morale ou d’essayer d’imposer leurs points de vue.
Un conseil, pour vous exprimer, glissez le petit bulletin dans l’urne. Évitez les statuts qui contredisent ceux d’il y a une semaine. Votez, faites barrage, exprimez-vous, et n’oubliez jamais que c’est un devoir et que des gens se sont battus pour que ce droit, on vous l’accorde. Ne dit-on pas que les absents ont toujours tort ?
Originaire de Marseille depuis 34 ans, installée à Aix-en-Provence. N'aime ni l'air chaud du métro, ni les fruits de mer. Mexican Tacos Addict. Écrit aussi pour Sessùn et Konbini.