amais un film n’avait réussi à me procurer autant d’émotions à la fois. Quatre ans après avoir découvert Xavier Dolan, grâce au splendide Les Amours imaginaires, aussi singulier qu’inoubliable, et sans avoir vu son dernier film Tom à la ferme, mais impatiente depuis son discours au dernier festival de Cannes, l’heure était enfin venue de découvrir son cinquième film en tant que réalisateur. J’ai essayé de prendre un peu de recul, tout en gardant à l’esprit qu’il me serait très difficile de résumer Mommy, et j’ai tenté de poser des mots sur ces 134 minutes d’intensité…
S’il reste fidèle à ses marques de fabrique (scènes au ralenti, flou, feuilles mortes, longs plans séquences sur les personnages de dos…), Dolan le petit prodige, au sommet de son art, déconcerte de prime abord. À cause du format du film d’abord, un format carré, oppressant, mais qui ne fait qu’augmenter la sensation de proximité avec nos 3 héros.
Le réalisateur de 25 ans place l’Amour avec un grand A au centre de son film. L’amour d’une mère pour son fils, un amour particulier, unique. Ce fils tourmenté et violent en devient attachant, avec une aura véritablement magnétique, un altruisme débordant et un amour si fort qu’il pèse même lorsque les mots sont durs et les cris violents. Toutes ces scènes de bagarres, de luttes, d’insultes, de mots jetés à la figure, toutes ces images parfois dures, comme celle d’un fils étranglant sa propre mère, nouent la gorge, mais finalement ressemblent plus à des cris d’amour, un amour si fort qu’il n’arrive pas à être exprimé correctement. Un peu à l’image de Kyla, cette voisine étrange, qui bégaye, qui semble aussi tellement meurtrie de l’intérieur qu’elle ne trouve plus la force d’aligner trois syllabes.
Face à ces explosions de voix et ces silences, Dolan ponctue certaines de ses scènes de chansons fortes avec une bande son impeccable – on retient évidemment celle d’une extrême plénitude où Die, Steve et Kyla dansent et chantent sur On ne change pas de Céline Dion, celle du skate avec Colorblind des Counting Crows ou la scène finale avec Born to Die de Lana Del Rey. Sans aucun temps mort, avec une réalisation impeccable, une mise en scène transpirant le perfectionnisme, Dolan joue avec les nerfs du spectateur, le laissant espérer autant que ses héros, lui faisant croire au pire, au meilleur, le surprenant même jusqu’aux larmes parfois.
Si les trois acteurs sont époustouflants dans leur jeu, Antoine-Olivier Pilon est en particulier extrêmement troublant. Il parvient avec brio à jongler avec les facettes de son personnage, un jeune adolescent aussi fort que faible, aussi colérique et nerveux que doux et tendre. Dolan a confié des rôles forts à ses deux actrices, en particulier Anne Dorval qui est sublime et tour à tour drôle, incisive, cynique, forte, débordante de folie, de rage autant que d’amour ou de désespoir.
À la fois drôle, déchirant, émouvant, attendrissant, horriblement cruel, le scénario réussit à nous faire rire aux éclats, à nous filer des frissons et à nous faire pleurer en même temps. À 25 ans, Dolan signe là son meilleur film, un long métrage puissant, inoubliable. Un condensé de vie et une palette d’émotions qui marquera nos mémoires autant qu’il a ému le jury du dernier Festival de Cannes…
Originaire de Marseille depuis 34 ans, installée à Aix-en-Provence. N'aime ni l'air chaud du métro, ni les fruits de mer. Mexican Tacos Addict. Écrit aussi pour Sessùn et Konbini.
Quel bonheur de sortir de la salle de ciné en ce disant ” wahou. combien de temps vais je mettre pour m’en remettre?”